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04/11/2013

Cette écotaxe qui fâche...

 

Se promener avec un bonnet rouge sur la tête ne laisse pas indifférents les passants parisiens ou versaillais : quelques marques de sympathie, d’autres d’inquiétude, parfois de l’agressivité et des mots que l’on pourrait facilement taxer de « xénophobie », surtout de la part de quelques partisans du gouvernement en place ou d’admirateurs de la mondialisation… Il est amusant de constater combien un simple couvre-chef peut créer du lien social et comme il est devenu un véritable symbole, à la fois de la Bretagne et de la révolte fiscale en cours ! 

 

Dans l’histoire, la révolte des bonnets rouges de 1675 s’inscrit dans la longue cohorte des révoltes populaires contre l’impôt et, par la même occasion, contre l’Etat central ou, du moins, de ses relais sur le lieu de la contestation : celle-ci fut terrible, tout comme la répression qui s’ensuivit… Mais il en reste quelques leçons que nos gouvernants, entre autres, feraient bien de méditer avant que de commettre de nouveaux impairs.

 

Tout d’abord, la question même de l’impôt, de sa légitimité et de son acceptabilité : tout Etat digne de ce nom doit trouver les moyens de se financer pour pouvoir maîtriser les territoires et aider les populations, engager de grandes politiques et être présent sur la scène internationale, tout simplement pour « être et durer » et représenter les intérêts de la nation, les défendre et les faire prospérer. En période de crise (qu’elle soit géopolitique comme en 1675 avec la guerre de Hollande –le pays, pas la personne…, ou économique et financière comme aujourd’hui, marque d’une mondialisation en cours, moins heureuse qu’espérée), trouver de l’argent est un art plus délicat encore que d’ordinaire, et qui nécessite un certain doigté si l’on veut éviter les réactions brutales : oublier les spécificités locales dans un pays aussi pluriel que la France, chatouiller les susceptibilités provinciales ou socio-professionnelles ou vouloir passer en force sans un minimum de concertation avec les parties concernées, en particulier celles appelées à s’acquitter de nouvelles taxes ou impositions, c’est risquer le mécontentement explosif, la contestation active et l’émeute revendicatrice. Colbert, en 1675, en négligeant la particularité de l’autonomie bretonne, a allumé, peut-être sans en saisir toutes les conséquences, un incendie qui mit bien du temps à s’apaiser et desservit l’Etat central sans satisfaire le Roi, obligé d’envoyer des troupes dans la province rebelle et risquant sa postérité… L’historien breton La Borderie, pourtant royaliste convaincu (il fut député monarchiste de Vitré de 1871 à 1876), n’hésita pas à parler, pour évoquer la répression royale de 1675, de « despotisme », même s’il cible plus Colbert que le souverain lui-même… Le gouvernement Ayrault devrait se souvenir de cela, sans doute, s’il ne veut pas perdre tout crédit (ou plutôt ce qui lui en reste…) dans une région qui, pourtant, lui était électoralement très favorable en 2012. Mais il est vrai que, contrairement à la structure institutionnelle étatique d’une monarchie qui restait encore « fédérative » à défaut d’être complètement fédérale, la République se veut « une et indivisible » et, donc, égalitaire, au risque de ne pas prendre en compte ce qui fait la diversité française et de se heurter à des réalités qui, elles, ne sont pas identiques d’un bout à l’autre du territoire national…

 

D’autre part, pour être acceptable et accepté, un impôt ou une taxe doit avoir une « raison d’être » et apparaître comme utile, voire nécessaire, aux populations qui doivent l’acquitter : or, qu’a-t-on vu avec cette fameuse « écotaxe », si mal nommée en fait ? C’est qu’elle devait plus rapporter à une société privée, baptisée Ecomouv, qu’à la Bretagne elle-même ! Cela nuit, évidemment, à la crédibilité de cette taxe qui apparaît plus devoir bénéficier à des actionnaires ou à des intérêts privés qu’à la collectivité elle-même : le principe de la « Ferme générale », déjà condamné sous l’Ancien régime parce qu’elle semblait trop profiter à quelques riches « percepteurs », n’est pas plus populaire ni compréhensible aujourd’hui qu’hier…

 

Mais là n’est pas le plus grave : en fait, cette taxe n’était accompagnée, pour lui donner crédit près de la population, que de vagues projets de transports ferroviaires, d’autant plus incompris en Bretagne que la SNCF a abandonné toute velléité de ferroutage dans cette province et qu’il n’a guère été évoqué d’alternative à la route en cette même région ! Pourtant, la reconstruction d’un réseau ferré dédié au transport de marchandises et de camions sur plateforme ferroviaire devrait être une priorité, mais aussi l’étude et la mise en place d’un système de cabotage ou de merroutage qui relierait les côtes de Bretagne aux grands ports nationaux (en particulier Le Havre, à l’embouchure de la Seine) pour éviter les routes et diminuer la pollution du transport routier… Or, rien de tout cela ! D’où l’incompréhension et l’absence de légitimité de cette nouvelle taxe, aggravées par les difficultés actuelles de l’économie en Bretagne, en particulier dans le secteur agroalimentaire.

 

Prisonnière de ses principes et de ses maladresses, la République se heurte désormais à une colère bretonne dont les derniers événements montrent qu’elle n’est pas qu’une simple flambée mais bel et bien une contestation plus profonde qui fait suite à un malaise lui aussi enraciné dans le tissu provincial, sur le plan social comme politique : au-delà de la politique fiscale, c’est aussi toute la politique d’aménagement du territoire mais aussi d’autonomie régionale que l’Etat doit repenser. Mais la République peut-elle faire ce double effort à l’heure où la mondialisation menace la réalité même de l’Etat et avec un gouvernement qui apparaît désormais isolé et condamné à brève échéance ?

 

 

 

 

 

 

21/08/2013

La révolte fiscale qui vient...

 

Le gouvernement a fait sa rentrée lundi et les observateurs politiques soulignent la difficulté du moment comme de l’exercice : malgré la légère amélioration de la situation économique au 2ème trimestre que semble évoquer la croissance à 0,5 % (taux bien insuffisant, dans la logique de mondialisation actuelle et principalement dans celle-ci, pour provoquer une baisse significative du chômage), la morosité demeure dans notre pays et les risques d’une dévalorisation économique de la France sont loin d’être écartés.

 

D’autre part, les réformes annoncées et les mesures déjà prises sont-elles efficaces et surtout, sont-elles justes ? On peut légitimement en douter quand on constate que le gouvernement, en cette année électorale (mars 2014, les municipales ; juin 2014, les européennes…), cherche, en fait, à préserver ce qu’il considère comme sa clientèle « traditionnelle », en particulier parmi les fonctionnaires, et qu’il évite de toucher à quelques règles un peu anciennes qui, pourtant, mériteraient d’être, sinon totalement abrogées, du moins largement érodées pour réparer quelques injustices flagrantes : ainsi, celle sur le calcul des retraites des fonctionnaires, sur les six derniers mois de la carrière, qui apparaît bien peu légitime au regard de ce même calcul, mais sur 25 ans, des salariés du secteur privé… Certes, quelques députés proches de l’actuel gouvernement insistent pour passer à 10 ans pour les fonctionnaires, mais est-ce suffisant ? La question mériterait d’être posée et débattue, mais, pour l’heure, le gouvernement semble plus pressé de communiquer que de discuter vraiment avec les acteurs sociaux, quels qu’ils soient, d’ailleurs !

 

A bien y regarder, le gouvernement cherche à tout prix à éviter un « automne social chaud » qui le mettrait en porte-à-faux avec ses obligés : du coup, il privilégie le levier fiscal pour résoudre la question du déficit et celle des retraites à venir, au détriment des réformes de structures et des économies nécessaires… Mais, ce faisant, il mécontente doublement les travailleurs du secteur privé, qu’ils soient ouvriers, artisans, commerçants, ou encore cadres, entrepreneurs, agriculteurs. En fait, ce sont toutes les classes moyennes « privées » qui font les plus grands frais de cette politique qui n’en est pas vraiment une, et qui semblent condamnées à financer celle-ci sans répit…

 

Et si c’était de ces classes pressurées que venait le danger pour le gouvernement dans les temps prochains ? Si c’était une « révolte fiscale » qui éclatait, multiforme et dévastatrice en ces jours de « disette financière » ? Un événement passé presque inaperçu au début du mois d’août pourrait bien le laisser penser et l’annoncer : la destruction par des manifestants en colère d’un portique destiné à l’application de la future écotaxe sur les poids-lourds (taxe sur laquelle on peut, d’ailleurs, avoir une lecture différente de celle des manifestants, mais ce n’est pas ici le débat le plus important) à Guidan, dans le Finistère, le vendredi 2 août dernier. Les manifestants, souvent agriculteurs ou salariés de l’agroalimentaire, dénonçaient « l’impôt de trop », « une taxe décidée à Paris par des technocrates », et « une violation du principe du non-paiement de taxes étatiques de péage en Bretagne depuis le rattachement de la Bretagne au royaume de France ». Le président de l’Association pour le maintien de l’élevage en Bretagne, lui-même éleveur de porcs, n’hésite pas à s’en prendre à ce qui est pour lui un véritable symbole de la République centralisatrice : « Ce portique est un symbole qu’il nous faut faire tomber. C’est une potence, c’est le symbole d’un establishment parisien, le symbole des contrôles tatillons dans nos exploitations et nos entreprises. ». Il n’est d’ailleurs pas inutile de souligner que cette manifestation et la destruction de ce symbole fiscal ont rencontré une large approbation dans les populations locales… Jusqu’à certains qui y ont vu une sorte de « chouannerie antifiscale », formule qui, évidemment, ne me laisse pas indifférent…

 

Le ministre de l’économie et des finances, le transparent M. Moscovici, a lui-même constaté « le ras-le-bol fiscal » qui commence (depuis un certain temps, déjà…) à se répandre dans le pays : sans doute commence-t-il à percevoir le danger d’une révolte antifiscale qui mettrait à mal ses prévisions dignes de Pangloss !

 

« Trop d’impôt tue l’impôt », est une formule juste mille fois répétée : mais il est temps pour l’Etat de penser à en tirer toutes les conséquences et à cesser de vampiriser les fruits du travail des Français. Moins d’impôts, mais davantage d’initiative, d’audace mais aussi d’économies : la République, hollandaise ou autre, en est-elle capable ? L’histoire nous incite à répondre prudemment, c’est le moins que l’on puisse dire… Quant à la politique, elle répond, encore plus implacable, par la négative, ne serait-ce que par les principes mêmes de la République, au-delà des sursauts et exceptions gaulliennes des années 60.